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#Coulisses Joss Whedon, scénariste de l’ombre

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À l’occasion de la sortie de Justice League, repris en main au printemps par Joss Whedon après le décès de la fille de Zack Snyder, nous vous proposons un tour d’horizon des expériences de script doctor de Whedon au cinéma.

La machine à écrire de Whedon surnommée « Mutant Enemy », à l’origine du nom de sa boîte de production (1996).

Après des débuts contraints à la télévision dans Roseanne puis Parenthood, Joss Whedon écrit et vend le scénario du film Buffy, the Vampire Slayer qui sort sur les écrans en 1992. Certes, le résultat est très loin de ce qu’il avait envisagé si bien qu’il peine à reconnaître ses intentions créatives, mais le film lui permet d’attirer l’attention d’Hollywood. Rapidement et pendant quelques années, Joss Whedon viendra donc grossir les rangs de ces discrets sauveurs de scénarios que les studios se partagent.

C’est d’abord pour ses qualités de dialoguiste que Joss Whedon est repéré, ce qui explique qu’il est engagé pour peaufiner – après le tournagele polar The Getaway (Guet-apens, 1994, avec Alec Baldwin et Kim Basinger). Il écrit donc des dialogues additionnels qui sont enregistrés en post-synchronisation sur des passages où les acteurs tournent le dos à la caméra… Le projet suivant est plus intéressant pour Whedon, qui l’accepte sans hésiter, puisqu’il lui permet de rencontrer une de ses idoles : Sam Raimi. Là encore, c’est à son sens du dialogue que les producteurs font appel en lui confiant l’amélioration du scénario de The Quick and the Dead (Mort ou vif, 1995, avec Sharon Stone et Gene Hackman).

 

Le tournant dans sa reconnaissance en tant que scénariste arrive cependant avec Speed (1994), dont le scénario est de Graham Yost. Quelque temps avant le tournage, la Fox, peu satisfaite des dialogues, engage un poids lourd : Paul Attanasio (alors sur la série Homicide) mais ce dernier change radicalement le script… Jorge Saralegui, vice-président de la Fox, fait donc appel à Joss Whedon une semaine seulement avant le début du tournage. Whedon ne touche pas à l’intrigue mais, de l’aveu même de Graham Yost, il réécrit « 98,9% » des dialogues et, ce faisant, change la personnalité des personnages. Ainsi, il transforme Stephens le touriste détestable en un gentil ringard afin que les spectateurs soient touchés par sa mort et mesurent l’enjeu (c’est un ressort scénaristique devenu sa marque de fabrique…). À la demande de Keanu Reeves et dans un souci de réalisme émotionnel, il fait de Jack Traven un flic ingénieux mais calme et même poli, là où Yost avait initialement créé un franc-tireur nerveux et insolent. Enfin, le personnage de Sandra Bullock gagne en indépendance et en courage, loin du simple love interest auquel elle était cantonnée au départ. Évidemment, après une transformation aussi profonde, Joss Whedon réclame un co-crédit afin que son travail soit reconnu. L’affaire a dû être arbitrée par la Writers’ Guild of America qui a rappelé que l’attribution d’un scénario porte sur l’intrigue et non sur les dialogues, même si ceux-ci sont entièrement réécrits !, et qu’il revenait donc à Graham Yost de donner son accord pour que les crédits soient partagés. Ce qu’il refusa.

Avec Speed, tout le petit monde de Hollywood connaît à présent le nom de Joss Whedon, qui part travailler pour Disney. Il ébauche le scénario d’un dessin animé adapté du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne (qui deviendra en fait Atlantide, l’Empire perdu), travaille sur différents projets qui ne verront jamais le jour en écrivant scénarios et paroles de chanson. À la même époque, Disney est consulté par Pixar pour donner son avis sur une première version de Toy Story. Verdict : le film est irregardable et trop noir pour être montré à des enfants. La production est mise en pause et John Lasseter décide de se tourner vers des scénaristes extérieurs car chez Pixar, il n’y a alors que des producteurs et des animateurs… Parmi les scénaristes consultés, Joel Cohen et Alec Sokolow produisent sept (!) versions avant de quitter le projet. L’équipe de Pixar tombe alors sur le scénario original de Buffy et décident d’appeler Joss Whedon qui apporte des changements décisifs pour l’histoire, parmi lesquels l’idée que Buzz ignore qu’il est un jouet. C’est la clé qui va « décoincer » tout le scénario. Il crée aussi le personnage de Rex le tyrannosaure et un grand nombre de répliques qui seront gardées dans la version finale. Pour l’anecdote, son script contenait un sauvetage de Woody et Buzz par Barbie façon Sarah Connor, mais Mattel a refusé que Barbie soit une héroïne d’action… Andrew Stanton (qui écrira ensuite Monstres & Cie, Nemo et Wall-E, entre autres) a décrit cette expérience comme ayant été une véritable collaboration, créativement fertile et humainement riche, entre Joss Whedon et les animateurs de Pixar. Le scénario a continué à être retravaillé après le départ de Whedon sur d’autres projets courant 1994 mais son impact est reconnu par tous comme ayant été déterminant. Au moment de la sortie, Lasseter a demandé à Whedon s’il acceptait de partager son crédit de scénariste avec les animateurs qui avaient travaillé avec lui à ce moment-là. La réponse fut oui.

Toujours en 1994, Joss Whedon est appelé en urgence sur la fin du tournage de Waterworld. Attiré par ce qui lui semble alors être un Mad Max sur l’eau, Whedon se rend à Hawaï pour une semaine, qui va se transformer en deux mois… Le tournage est une catastrophe, le scénario est chaotique mais il n’y a pas grand-chose qu’il puisse faire : les scénaristes présents, lui y compris, ont interdiction de toucher aux scènes écrites par Kevin Costner et ses tentatives d’amélioration sont ignorées… Parmi les autres films auxquels il a participé, on peut citer Twister (1996, du même réalisateur que Speed, Jan de Bont). Son implication a été très légère et les sources sur ce qu’il a apporté sont peu concluantes. Il semblerait cependant qu’on lui doive la fameuse scène du déjeuner improvisé chez Tante Meg (ce qui ne serait pas surprenant de sa part).

L’année suivante, la série Buffy entre en production et Joss Whedon met entre parenthèses ses activités de script doctor. Avant de ressortir ses armes sur les films de super-héros au début des années 2000 avec le script de X-Men qu’on lui confie afin qu’il améliore la bataille de fin. Mais, trouvant tout le scénario un peu faiblard, il le restructure de fond en comble. Finalement, seulement deux de ses répliques resteront dans la version finale, dont la fameuse « You know what happens when a toad gets struck by lightning? The same thing that happens to everything else » que tous ont trouvée ridicule…

Entre 2009 et 2016, et à côté de ses crédits officiels pour ses propres films, Joss Whedon a été, si ce n’est le co-architecte de la stratégie Marvel, au moins le premier consulté en la matière. Il est ainsi le script doctor non crédité du premier Captain America (2011) et de Thor: The Dark World (2013).

Par sa longue expérience de showrunner, Joss Whedon a été habitué à réviser, restructurer, améliorer les scripts des autres, sans jamais réclamer de co-crédits (contrairement à Aaron Sorkin, par exemple). Les scénaristes qui ont travaillé sur Buffy, Angel ou Firefly reconnaissent d’ailleurs souvent et aisément que dans les histoires qui portent leur nom, beaucoup de répliques clés et d’idées de structures étaient l’œuvre du patron (qui s’en défend d’ailleurs souvent). Qu’il ait été sollicité pour reprendre au débotté Justice League n’est donc pas une surprise. Que le film soit une réussite ou un échec, que cette réussite ou cet échec soit à cause de ou grâce à Joss Whedon, il sera toujours temps d’en discuter (et ce sera sans doute discuté jusqu’à la nausée…). Ce qui est sûr, c’est que vu la situation, le choix de DC faisait sens : Joss Whedon avait l’expérience, il est réputé pour respecter le budget, les délais et les équipes. Mais les circonstances qui entourent la production de Justice League et la crise plus générale de DC font de cette reprise en main une véritable gageure au résultat plus qu’incertain.

 

(Sources : essentiellement Joss Whedon, biographie d’Amy Pascale, 2014 ; IMDB ; interview de Joss Whedon sur Speed ; article de 2015)


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